
Le petit moulin.
Il était au fond du jardin, le lierre le recouvrait dans sa totalité et certains soirs de lune, il ressemblait à un gardien qui s’imposait et veillait devant la grille de la maison.
Le petit moulin avait été installé au centre de la propriété, il y a bien longtemps, et tout au long de l’année, il avait fait la joie du monde qui vivait dans son entourage.
Je me souviens de ses quatre longs bras qui saluaient le soleil, dès le retour du printemps, et embrassaient l’air chargé du parfum de mille fleurs, qui comme un ruisseau se jetait à ses pieds.
Un vieil abreuvoir en pierre avait été déposé à ses côtés et avait la visite de nombreux petits oiseaux qui venaient s’y baigner et s’y désaltérer.
Les insectes proliféraient et les fleurs leurs souriaient.
La vie était colorée dans le jardin et le moulin, au corps charpenté, y était la pièce maîtresse.
Il avait été fabriqué par un artisan en ébénisterie et était la reproduction fidèle d’un moulin à grain de son village.
Il avait une hauteur de deux mètres, un corps pyramidal dont la base faisait plus d’un mètre, surmontée d’une tête dont le périmètre dépassait les cinquante centimètres.
Sa fière allure, il la devait principalement à ses pales qui par deux, d’un bout à l’autre, dépassaient les trois mètres.
Un soir d’orage, le vent se fit si violent que les pales se mirent à tourner, déstabilisant le colosse de bois, qui se renversa sur le tapis de fleurs.
Le lendemain matin, le jardin n’était plus qu’un champ de bataille où les branches des saules et des marronniers jonchaient le gazon.
Les fleurs étaient couchées sur le sol, elles avaient perdu de leur superbe et le moulin gisait sur une terre humide, étant blessé, à l’agonie.
Le moulin n’était pas réparable, il était devenu manchot et sa tête qui contenait le mécanisme supportant les pales était détruit.
Il fut placé dans le fond du jardin, près d’une haie de charmes, dans un des coins les plus sombres et les plus humides, et se laissa oublier.
Aujourd’hui, ce moulin va renaître. Il vient d’être découvert par un jardinier, qui taillait la haie.
Cet amoureux de la nature, dégagea le lierre et s’arrêta net devant un tronc qui aurait pu être celui d’un vieil arbre.
Il sortit le moulin de la terre dans laquelle il s’était enfoncé, et le mit au soleil.
Il alla chercher ses outils et le nettoya.
Il trouva les pales, les répara et les refixa sur le visage de bois.
Le mécanisme était inutilisable, les pales ne pouvaient plus tourner.
Il passa toute sa journée à le restaurer, avec les moyens dont il disposait, puis lorsque le soleil se coucha, il le déplaça et l’installa au centre du jardin.
Le jardinier était heureux, le moulin retrouva toute sa fierté, il allait devenir à nouveau l’hôte du jardin.
Sur ses pales immobiles, les oiseaux y trouveront une aire de repos, dans le corps du moulin, des ouvertures permettront aux mésanges d’y faire leur nid, les fleurs pourront dès le printemps y dresser un tapis de mille fragrances, qui feront revenir les abeilles et les papillons.
Quant au jardinier, il était aussi poète, et le moulin est la source de bien de ses inspirations.
M.H.