- Accueil
- > Recherche : dessin au fusain

Les lignes du destin.
S’il suffisait d’un signe ou d’une ligne tracée au creux de la main gauche pour connaître notre destinée.
Après avoir réalisé un dessin au fusain, je regardais mes mains noircies par la mine de charbon et soudain me revient en mémoire ces deux femmes que j’avais croisées dans une petite rue de Paris.
Elles avaient toutes les deux la cinquantaine, l’une était blonde et l’autre avait des cheveux d’ébène qui dépassaient d’un foulard en soie noir. Elles prétendaient venir de Compostelle.
Très souriantes, elles m’abordèrent.
Celle, aux longs cheveux noirs, me prit les deux mains et me regarda dans les yeux.
Il faisait très froid, je portais des gants.
Elle m’attira vers le porche d’une ancienne bâtisse.
-« Je ne suis pas intéressée » lui dis-je poliment.
- « j’ai croisé ton regard et j’ai besoin de te parler, je ne te demande rien, si tu veux me donner quelque chose, ce ne sera pas pour moi, mais pour nos enfants ».
Sa voix avait un accent prononcé du Sud et tout comme son regard, ils étaient doux.
La femme blonde me fit un sourire et me dit : « écoute Magda, elle sait des choses sur toi, pour toi ! ».
J’étais en balade, qu’avais-je à y perdre.
Mes mains toujours serrées dans celles de Magda, je la regardais, mais je ne peux me l’expliquer, je n’avais plus envie de sourire.
Ses yeux gris, presque translucides, ne quittaient pas les miens.
Ses pupilles rejoignaient les miennes.
Après quelques secondes, elle me dit : « je vois la paix revenir dans ton cœur, tu trouveras cet homme et ton fils l’acceptera… ».
Je ne lui avais encore rien dit, ni mon prénom, ni rien de ma vie ou de ma famille.
- « Tu n’es pas d’ici, tu quitteras ton pays, tu vas vivre tes rêves…donne-moi ta main ! ».
Cela se voyait-il donc que je ne vivais pas en France, que j’étais une touriste, juste une personne de passage…Pourtant dans la foule, j’étais invisible.
Je m’exécutais sans davantage me poser de questions.
La rue était animée, les gens passaient sans nous voir. J’étais prête à retirer mon gant…
- « Donne-moi l’autre main, celle du cœur » me dit-elle en souriant.
La femme aux cheveux blonds s’était mise un peu à l’écart et d’un hochement de tête m’invitait de me mettre en confiance.
Je lui tendis la main gauche qui ne portait aucun bijou, ni montre, ni bagues.
Elle glissa sa main droite sous la mienne et de son autre main me frotta la paume, puis elle ferma les yeux.
- « Ta santé va aller de mieux en mieux, tes nuits vont redevenir belles et tes matins vont retrouver le sourire ».
Je l’écoutais, un petit rictus se dessinait sur mon visage.
Elle prit son index et toucha une de mes fossettes, puis me fit un signe sur le front.
Ensuite, elle se pencha sur ma main et de son long doigt dessina des lignes imaginaires.
De temps à autre, elle relevait la tête.
Pendant qu’elle analysait les rides au creux de ma main, je regardais les passants qui tête baissée, couraient dans tous les sens.
Les yeux de Magda rencontrèrent à nouveau les miens. Ils étaient à la fois tendres et rieurs, puis en prenant ma main entre les siennes me dit :
- « Tu ne t’es pas trompée de vie, ce que tu sais te rend forte, tu as eu une grave maladie mais maintenant le soleil est entré en toi…tu vas enfin être vue telle que tu es et … ».
Elle avait dit trop de mots qui m’interpellaient : santé- matin –nuit – maladie -soleil.
Je voulais retirer ma main, mais Magda m’expliqua en tendant ma paume qu’entre le pouce et l’index, se trouvait une ligne : la « ligne de vie ».
La mienne lui paraissait longue ; elle se terminait sous le pouce et était le signe d’une grande vitalité et d’une énergie forte qui me permettaient d’affronter les difficultés de ma vie.
Puis elle m’indiqua la ligne de tête, qui débute entre le pouce et l’index, et traverse la paume de ma main. Celle-ci lui indiquait que j’avais des aptitudes qui allaient enfin être reconnues, sans les détailler de quelque nature qu’elles soient.
Elle lisait à voix haute des écritures qu’elle seule voyait.
Elle me parla de la ligne du cœur, de celle du destin, de la chance, des lignes secondaires… Elle voyait dans ma ligne de cœur des signes d’alerte, dans celle de mon destin,une étoile et elle finit par me dire : « c’est bien, tu remercies la vie et la vie t’aime ».
Cela faisait plus d’un quart d’heure que cette femme me lisait ce qu’elle voyait être mon avenir : j’allais rencontrer mon « unité universelle », la personne qui complèterait la moitié de l’être que je suis, j’allais m’épanouir dans une activité artistique où ma créativité et mon imagination seraient libres et exprimées au grand jour et pour finir, que j’aurais un bel automne et un long hiver.
J’avais l’impression de me retrouver dans un roman de Victor Hugo, ma main lue par une « diseuse de bonne aventure », dans une ruelle de Paris, et les dires de cette femme qui étaient à la fois hallucinants et qui me touchaient personnellement , si intimement, si fort.
Je fouillais les poches de mon manteau et en sortis un billet de dix euros que je lui tendis.
La femme prit mes doigts et les referma sur le billet.
- « Il n’a pas de valeur pour toi, alors pour moi non plus » me dit-elle en refusant le billet.
Devais-je voir cela comme un signe ?
L’avenir me le dira !
M.H.